Langnau – Christoph Yavkin
Il est vrai que la formule mérite son point d’interrogation dans les circonstances actuelles. Genève-Servette est plongé dans une situation très insolite, tenu compte de son rang, davantage encore si l’on considère ses standards élevés des plus récentes années. Stéphane Charlin va y prendre la place de Robert Mayer, ce qui constitue un amusant cheminement que vous comprendrez plus loin. Les yeux bleus du plus pur azur, le jeune portier, révélation Premium de la saison en cours, qui rappelle étrangement un Tobias Stephan à 15 ans de distance, nous accorde un entretien exclusif à la veille de son retour dans deux mois, dans son club formateur. Dans lequel il n’avait pas obtenu correctement sa chance, notamment au cours de l’année 2021/22, au cours de laquelle, pas moins de six (!) gardiens y ont gardé le filet: Gauthier Descloux, Connor Hughes, Dominic Nyffeler, Sandro Zurkirchen, ainsi que notre interlocuteur (quatre rencontres) et un essai éphéméride avec Timur Shiyanov (1)… Heureusement, dirons-nous, le fantasque et franchement quelconque Mayer avait alors déserté le jet d’eau pour deux saisons improductives dans les Grisons – à croire que Christian Wohlwend est aveugle – qui s’étaient terminées par un intérim désastreux à … Langnau (voir remarque plus haut…) avant retour à la case 1 de son Monopoly personnel.
Mais là où la triangulation de personnes prend des allures d’insolites à carrément cocasses, c’est un autre Meyer, avec «e» certes, Robin pour le prénom, formé à l’EV Zoug (mêmes phonétiques donc et mêmes initiales !) qui entrera dans la cage des Tigers dès 2025/26 ! Avouez que le cas de figure est rocambolesque. Bon, on en reste là pour les particularités et on se concentre sur notre futur et… déjà vacciné genevois! Stéphane Charlin nous reçoit au Bistro 46 de la mythique Ilfis, aujourd’hui Emmental Versicherung Arena, pour un tête à tête et un portrait exclusif.
Vous avez été prêté, tout d’abord à ce qui est aujourd’hui la Swiss League … et plusieurs stations.
J’ai été contingenté en 1ère équipe à 17 ans déjà, c’était l’année du duo d’entraîneurs Craig Woodcroft/Jason O’Leary (réd.: une catastrophe!). Je n’y ai joué que lors de la saison 2019/20, pour trois rencontres, puis j’ai instantanément été prêté, effectivement, à Sierre, où en définitive j’ai connu les authentiques débuts de professionnel. La saison suivante a été celle de La Chaux-de-Fonds, en alternance avec Matteo Ritz (réd.: après que Chris McSorley, revenu (…) ait transmis les clés du domaine à son second, Pat Emond). Enfin, outre 5 matches disputés à Genève au début de la saison 2021/22, j’ai effectué quelques allers-retours à Langenthal. Il a alors été conclu que je poursuive mon cheminement à Langnau.
Où venait d’arriver Thierry Paterlini … que vous connaissiez.
En effet, «il» me connaît, plutôt que le contraire, de mes appartenances aux sélections nationales junior puisqu’il y occupait une fonction dominante. Avec lui, j’ai disputé les championnats du monde U18 et U20. Disputer est un grand mot dans le premier cas puisque je n’ai pas joué du tout. Mais ça aura permis un voyage en Russie et Magnitogorsk. Mes coéquipiers ont dû y jouer leur peau en relégation contre la France. Pour le second, en Tchéquie, à Trinec et Ostrava, j’ai été aligné deux fois, notamment lors d’une rencontre remportée pour la 2ème place du groupe contre la Finlande (réd.: 5:2). Las, plutôt que les USA, qui paraissaient à notre portée, ça nous a désigné la Russie en quarts (réd.: Denisenko, Kruglov, Podkolzin, Sorkin, Dorofeyev, Voronkov, entre autres, excusez du peu !), battue de justesse en finale par le Canada.
Arrivait simultanément aussi, de Lausanne, Luca Boltshauser.
Oui, aussi, et dont j’allais devenir le back-up. Une personnalité: je dis cela car c’est une perle d’homme, qui va désormais compter pour moi.
Développez…
Avec plaisir. Luca est un gars d’une gentillesse et d’une attention infinies. Jamais il ne laisse transparaître un sentiment de frustration quelconque, il est d’un altruisme extraordinaire. L’expérience est particulièrement forte cette saison, dès lors que je lui suis petit à petit passé devant. J’ai pu mesurer à quel point il est humble, positif, en tous points ravi pour moi et m’encourage. À son âge (réd.: Boltshauser ne «court» que sur ses 32 ans), c’est de la noblesse !
L’entraîneur des gardiens à Langnau a toujours été une personnalité de choix. Il y a eu longtemps Dusan Sidor. Vous avez été suivi pour votre part par un illustre inconnu dans le milieu. Par le nom, on pourrait penser qu’il est germanique mais qui est donc le bel et bien suédois William Rahm ?
C’est un très jeune ex-gardien en D2 de son pays. Mais il a cessé de jouer et est devenu l’entraîneur des gardiens de Jönköping (réd.: HV71) dès 2012 et jusqu’en… 2023 avant d’être à Langnau. Je dirais avant tout, une personne qui en regroupe plusieurs, hautement compétent sur tous les plans, qu’il soit de technique générale, de psychologie, pédagogie et avec un champ de vision formidablement ouvert.
À Genève, vous n’avez rien connu d’autre que Sébastien Beaulieu? C’est donc dans l’ensemble très peu d’influence(s) extérieures(s)…
C’est un fait. Et comme je suis un fils unique, je n’ai pas besoin de beaucoup de parents !
«J’ai grandi aux Eaux-Vives»
Toujours vécu à Genève même ?
Mes parents sont tous les deux radicalement genevois. J’ai grandi aux Eaux-Vives.
Pour l’avenir immédiat, votre club d’origine vous ayant fait les yeux doux après un long prêt, n’avez-vous pas un peu hésité? Existe-t-il toutefois une option, selon qu’un club nord-américain se manifesterait ?
Pour la 1ère partie, non, je crois que c’est le meilleur choix pour moi et la suite de ma carrière. Je souhaite franchir un nouveau palier et les conditions seront plus réunies à Genève dans un effectif pouvant prétendre à un nouveau titre, objectif naturellement bien réel. Pour la 2ème, je l’ignore totalement et ne suis pas focalisé sur un tel aspect. Si une offre devait pointer, il doit aussi être affaire de délais. Et je ne sais pas non plus si le club peut refuser de me libérer, momentanément ou moins.
Vous y serez suivi par Vili Saarijärvi, que vous avez côtoyé à Langnau durant deux ans. Un avantage? Avez-vous été consulté dans le cadre de son transfert ?
Vili a fait ses preuves (réd.: offensives principalement). Je me suis très bien entendu avec lui, il est très souriant, toujours de bonne humeur! Il a un rôle très créatif, il apportera sans doute une plus-value. Et non, il ne m’a pas été posé de question(s) à son sujet.
Le déroulement de la saison 2014/25 de votre club formateur ne vous inquiète-t-elle pas un peu?
C’est effectivement on ne peut plus singulier et je n’y ai pas la moindre des explications.
(réd.: Ironie du sort à l’échelle XXL, Vili a vu l’extrémité d’un de ses auriculaires arraché en voulant bloquer un shoot bernois deux jours avant Stéphane Charlin, ce alors même que les deux allaient être opposés dans le Suisse-Finlande du 6 février.Qui plus est à Langnau!)
Lors du Suisse-Finlande du récent 6 février, vous n’avez pu être alignés ni l’un ni l’autre… sur blessure! Comment interpréter cette insolite péripétie ?
Je raisonne de manière purement pragmatique: la faute à pas de chance !
Précisément, à combien évaluez-vous la part de chance moyenne dont dispose le gardien de but?
Vous m’avez révélé que Leonardo Genoni vous avait laissé entendre qu’un gardien qui reçoit un but, même masqué, est un gardien mal placé. Je partage assez ce point de vue.
Que lisez-vous le mieux? Le départ d’un (slap)shot ou l’intention chez un joueur qui approche?
Assurément la deuxième variante… et j’apprécie fortement. On apprend toujours plus et mieux. Car je sais bien sûr souvent qui est le porteur du puck et comme nous étudions le jeu de nos adversaires jusque dans les moindres détails, ça aide à anticiper… hors effet surprise naturellement. On peut aussi, comme vous le remarquez, citer les tirs sur le métal.
Le français avec Pesonen et Saarijärvi!
Consolation pour le public emmentalois présent le 6 février, vos deux coéquipiers Rohrbach et Mäenalanen ont transformé leur tir au but respectif. Les auriez-vous arrêté ?
Disons que j’aurais aimé les arrêter !
Avec qui parlez-vous français dans l’équipe ?
Il y avait encore Nolan Diem la saison dernière… Harri (réd.: Pesonen) baragouine certes, il a tout de même passé trois ans et demi à Lausanne, Paterlini se débrouille, Saarijärvi bredouille quelques mots! Dès lors, plutôt avec les «tessinois» principalement, Patrick Petrini et Brian Zanetti. Puis avec le gardien des U20 (et en licence B à Coire), Martin Neckar (réd.: 19 ans, franco-tchèque né à Dijon, à licence suisse!).
Venons-en à votre «accident» à Lugano. La position dans laquelle était votre corps est-elle habituelle chez vous?
Je crois, oui. Je n’hésite pas à faire appel à toute la souplesse dont je dispose et peux ainsi me retrouver dans les airs.
Le canadien de Lugano Michael Joly vous tombe sur la jambe à ce moment-là. On vous voir lever le bras quasi instantanément: avez-vous ressenti le poids du choc déjà à l’extension ou lorsque vous êtes «redescendu» sur la glace?
Je ne saurais répondre très clairement, c’est une demi-seconde. Vraiment difficile…
Joly avait toute sa jambe droite dans le but. Si le puck avait pénétré dans la cage à ce moment-là, le but n’aurait sans doute pas été validé pour une obstruction sur le gardien…
Vous ne m’en voyez pas même si sûr que ça, car on ne peut pas vraiment déterminer qu’il me gêne. Il est à 75% dans la zone du gardien, c’est vrai, mais… sait-on jamais ?
«Luca Boltshauser est un grand Monsieur»
Que pensez-vous de l’affirmation de mon collègue Klaus Zaugg: «Boltshauser a (ensuite) produit une excellente copie chiffrée (dont il est tout sauf coutumier cette saison), et fait un excellent match parce qu’il n’a pas eu le temps de réfléchir du tout (…) et de se préparer à une telle échéance (réd. match à 6 points, voire plus)»?
Ici encore, il est trop délicat pour moi de répondre, il est le seul à savoir. Ce que je peux dire en revanche est que je ne le vois pas ainsi. Il a par ailleurs brillamment confirmé ces dispositions cinq jours plus tard face aux autres tessinois à domicile. Je le répète volontiers, «Boltsi» est un grand Monsieur.
Et que penser d’un autre sentiment, celui que les arbitres auraient trop tendance à favoriser le gardien de but lors d’une intervention pour un contact ou ce qui est évalué telle une obstruction sur le portier?
La situation m’a l’air dans l’ensemble honnête. Par mon léger doute sur l’action de mon infortune, je viens en quelque sorte de le supposer.
Hormis le fromage, quels souvenirs emporterez-vous de l’Emmental ?
Pour le fromage, ça tombe mal car je suis 100% Gruyère, sans offense pour la région. Un endroit où les gens sont merveilleux, souriants, paisibles et où l’harmonie des collines m’a séduit. Surtout lorsqu’elles sont recouvertes d’un fin manteau de neige.
Avez-eu le temps d’appréhender le très profond «Bärndütsch» de Langnau ?
Il va de soi que j’en comprends quelques rudiments mais comme tout le vestiaire communique à 90% évidemment en anglais…
Martin Gerber est né un 3 septembre, Edgar Grubauer, le 7, vous-même un 30 août, Martin Neckar, que nous venons d’évoquer, un 12 septembre, votre succcesseur à Langnau Robin Meyer un même 12 septembre… comme votre serviteur du jour (!), cette astrologie-là vous donne-t-elle à songer ?
Je ne suis pas féru du sujet. Mais je me reconnais absolument dans quelques traits généraux, tels que vous les décrivez, à savoir : volonté acharnée à comprendre et analyser, savoir «comment ça fonctionne» dans les détails, perfectionnisme, ténacité, alors oui… ça interpelle.
Parlez-vous volontiers aux enfants ?
Oui, avec ravissement et je leur distribue des autographes à la demande… n’importe où. Ce qui, ici, est très fréquent… à l’arène, au Campus, à côté, dans les magasins, sur la rue, sur des cartes de joueurs, d’innombrables objets, des maillots, partout car ici, le hockey, c’est partout.
