Par Marc Savary
Raeto Raffainer, Gian Marco Crameri, Christian Wohlwend, Claudio Micheli, les frères Camichel, Roberto et Enrico Triulzi, Sandro Rizzi, Marc Gianola, ou encore Arno Del Curto et l’immortel Riccardo “Bibi” Torriani. Tous ont porté haut les couleurs du hockey suisse, que ce soit comme joueurs, entraîneurs, dirigeants ou bâtisseurs. Pourtant, un point commun les relie dans l’ombre de leurs exploits : leurs premiers coups de patins, leurs premières passes et parfois même leurs premières victoires, ils les ont vécus sur la glace de St. Moritz.
À 1856 mètres d’altitude, dans ce décor de carte postale connu des touristes fortunés, se cache un club modeste, éloigné des logiques économiques de la National League, mais bien plus influent qu’on ne l’imagine . St. Moritz évoque d’abord les Jeux Olympiques, les sports d’hiver chics et les hôtels cinq étoiles. Mais derrière cette façade dorée, un petit club travaille, loin des flashs et des contrats télévisés. Tandis que le HC Davos brille depuis un siècle avec ses titres, ses stars étrangères et sa Spengler Cup, le HC St. Moritz cultive l’essentiel : l’envie de jouer, la discipline, et une identité alpine forgée par l’altitude.
Loin de jalouser son voisin, le club engadinois accepte sa position de tremplin. Il ne cherche pas à rivaliser, mais à former. Il n’a pas de patinoire surdimensionnée, pas de service marketing, pas de grand sponsor. Ce qu’il offre en revanche, c’est une expérience fondatrice, rude et authentique. Un environnement où les jeunes apprennent à patiner dans le froid piquant de l’hiver, souvent à l’extérieur, parfois à l’aube. Un hockey sans vernis, mais avec du caractère.
LE CLUB PRÉPARE LES DESTINS
Le HC St. Moritz évolue aujourd’hui en 2e ligue régionale, une division où l’on joue par passion bien plus que pour les résultats. L’équipe première regroupe des jeunes du cru, quelques anciens revenus au pays, et des joueurs en transit. Les installations sont modestes mais fonctionnelles, et la patinoire Ludains reste un lieu vivant — témoin de générations entières passées sur la glace.
L’école de hockey, elle, est toujours active. Le club continue de former les bases, avec patience et humilité. Certains jeunes rejoindront d’autres structures plus grandes – souvent Davos – mais tous passeront par l’école de la glace de St. Moritz, une école où la rigueur, l’esprit d’équipe et le respect du jeu passent avant tout.
On parle souvent des clubs champions, des derbys enflammés, des contrats records. Rarement des petites structures qui préparent les fondations. Le HC St. Moritz ne court pas après les titres. Il prépare les destins, puis laisse partir ceux qu’il a formés. Dans une époque dominée par la performance immédiate, il reste ce que le hockey suisse a de plus pur : un club formateur, fidèle à sa région, enraciné dans la glace, capable de faire éclore des talents à 1’856 mètres d’altitude.