Par Philippe Ducarroz
Christian Wohlwend, nouvel entraîneur du HC Ajoie! Il ne faut pas se le cacher, on n’attendait pas que Julien Vauclair sorte de sa manche l’ancien coach du HC Davos et assistant de l’équipe de Suisse. Un bon choix? L’avenir le dira, bien sûr. La conférence de presse tenue hier matin à Porrentruy a toutefois confirmé une chose: Ajoie essaie de s’en aller dans la bonne direction en engageant un coach auquel il croit et avec des ambitions qui se veulent intactes.
Alors bien sûr, on pourra toujours chercher la petite bête. En matière de communication par exemple. Le fait d’annoncer un contrat d’un an prolongé en cas de… maintien dénote une petite maladresse qui prouve que le club ne maîtrise pas encore tous les paramètres. Parler de contrat de coach conditionné à un maintien dans l’élite relève déjà d’une pointe défaitiste. À vouloir être trop honnête, parfois on se brûle. Mais d’accord, on chipote.
Ne le cachons pas: l’engagement de Wohlwend est une des informations qui a le plus suscité de commentaire sur notre site. Certains y voient l’indéniable attrait d’engager un coach suisse (il y en a finalement sept sur quatorze en National League si l’ont tient compte des binationaux Cadieux, Dubé, Holden et… Wohlwend qui a aussi le passeport canadien), d’autres sont bien décidés à combattre le «vilain Suisse-Allemand qui vient foutre le bordel». Remarque lue sur les réseaux sociaux.
Selon Perroton, un bon pari
Sous-entendu aussi, apparemment, en le disant de façon plus courtoise: Ajoie ne fait-il pas une erreur en engageant un coach qui, comme Filip Pesan auparavant, ne pipe pas un mot de français. Une telle remarque ferait rire tout le monde dans tout vestiaire de hockey où l’on parle généralement anglais. À Porrentruy, avec ses sensibilités locales, ce n’est pas forcément aussi simple.
Notre expert Laurent Perroton avance l’hypothèse qu’avec le profil voulu par le club – qui ne disait pas non à un entraîneur suisse – le nombre de possibilités s’est révélé restreint. «Moi je préfère voir un entraîneur qui a faim. Wohlwend n’est pas brûlé, c’est un entraîneur légitime au niveau de son expérience. Il a des choses à prouver car il doit être déçu de sa non-reconduction de contrat à Davos. Je trouve donc que c’est un bon pari.»
Et Perroton va même plus loin dans notre émission « Le Premier Bloc »: «Je pense qu’il va amener des émotions en Ajoie, et ça sera apprécié. Bien sûr, il faudra les contenir. Mais un gars comme lui peut sublimer certains joueurs.» Il est vrai qu’il lui faut casser cette image qu’il colporte depuis le jour où il a balancer une gourde en direction de l’arbitre.
Et autre grande différence par rapport au Tchèque Pesan: sa connaissance du lieu, du contexte. Une situation qui visiblement motive Wohlwend. Ce rôle de Petit Poucet qui a tout, mais également rien à perdre en même temps lui plait.
«Il a l’habitude de développer de jeunes joueurs, reprend Perroton, et l’arrivée de Éric Gélinas et Daniel Audette améliorent le contingent. Ce ne sont pas les meilleurs imports du championnats, mais un cap a été franchi. Audette, dans une plus petite structure comme le HCA, il sera peut-être le joueur-vedette. Quant à Gélinas, son passé en NHL parle pour lui.» Sans compter le retour annoncé hier de Philipp-Michael Devos pour septembre. Wohlwend va donc se retrouver avec une belle matière première dans les mains.
Il a bien succédé à Del Curto
L’engagement de Christian Wohlwend n’est pas seulement un accord à la petite semaine avec un coach bon marché (même s’il a dû faire un sacrifice). Le coach a succédé au monument Arno del Curto et a su maintenir Davos parmi les meilleurs de la Ligue durant quatre ans. Quand on a réussi ça, le défi ajoulot ne devrait pas lui faire peur. Il a aussi prouvé par le passé dans les ligues inférieures (Wallisellen et Bülach) que sa méthode fonctionne. Sauf contre… Ajoie qui lui a infligé le plus camouflet de sa carrière: une défaite en finale de Coupe de Suisse alors qu’il était encore à la bande davosienne.
Le HCA compte ainsi trois gardiens, dix défenseurs et quinze attaquants sous contrat, son marché est théoriquement terminé. Les Ajoulots ont aussi sept étrangers dans leur effectif. Voilà qui devrait permettre d’entamer un tournus parmi des joueurs qui seront très sollicités pour compenser quelques manquements helvétiques. Christian Wohlwend ne s’en privera pas, après une réflexion intense.
L’homme est minutieux, préparé, il a réussi à établir une structure de jeu à Davos, a obtenu des résultats – également avec les U20 helvétiques – et prend parfois position de façon un peu malheureuse. Cela fera du bien à Ajoie qui se « vend » encore trop facilement comme étant une petite équipe. Avec Wohlwend, le discours sera différent, mais le Montréalais (eh oui!) aura besoin de l’appui de tout le monde, y compris de certains cadres qui faisaient un peu la loi jusqu’à présent.