Par Filippo Frizzi
Depuis le nord, le soleil illumine la glace. La journée a des allures de printemps. C’est le lundi de Pâques. Le lundi que les Blancs voudraient effacer de leur mémoire et que les « cousins » des HCL n’oublieront jamais. Parfois, le destin s’écrit en chiffres. Et ce jour-là, il y a 25 ans, les chiffres inoubliables sont au nombre de trois: le 5 (c’était le 5 avril et le match 5 de la finale tout-Tessin qui clôturait le Gottardo, Huras dixit), le 14 et le 99.
La raison est vite éclaircie : c’est Régis Fuchs, le « folletto » du HCL avec le maillot numéro 14, qui a donné le titre numéro 5 dans l’histoire du Hockey Club Lugano. Avantagé par Geoffrey Vauclair (également Jurassien comme Fuchs), le Lugano de feu Jimmy Koleff atteignait le 2-0 grâce à Marcel Jenni (avec une déviation involontaire dans son propre but par le biancoblu Mattia Baldi). Le dernier tiers fut rouvert grâce à une conclusion éclair de John Fritsche, qui relança la Valascia. Larry Huras, sur le banc des Léventins, ordonne à Pauli Jaks de laisser sa cage sans surveillance pour tenter l’assaut final à 6 contre 5. Mais c’est Fuchs qui fait le « all in » et qui, 18 secondes avant la sirène, marque le 3-1 sur un but en cage vide. Pour Fuchs et Lugano, c’est l’apothéose, pour les supporters blanc-bleu, la pire fin après un conte de fées, avec la saison régulière terminée avec 101 points et le titre en Coupe continentale remporté à Kosice.
L’histoire dit que Fuchs reste huit saisons à Lugano et, après celle d’Ambrì, il célèbre aussi le sixième et le septième (et dernier) «scudetto» suisse, le premier en 2003 avec Huras sur le banc (ah le destin…) et l’épopée de 2006 avec Ivano Zanatta et Harold Kreis sur le banc. A Lugano, Fuchs a passé huit saisons (1998-2006), accumulé 467 matchs et 263 points qui l’ont fait entrer dans le cœur des supporters du HCL.
Ce samedi 30 novembre, le Hockey Club Lugano s’apprête à accueillir Regis Fuchs dans son Hall of Fame. Après Alfio Molina, Bernard Coté, Bruno Rogger, Silvano Corti, Andy Ton, Fredy Lüthi, Glen Metropolit et John Slettvoll, le peuple du HCL pourra célébrer celui qui fut un joueur rusé, intelligent et à la main de velours.
Planète Hockey a eu le privilège de feuilleter l’album des souvenirs avec le toujours disponible Régis, avant de savourer à nouveau l’ambiance de ce qu’il appelle encore affectueusement la Resega, devenue Cornèr Arena.
Combien de fois vous êtes-vous souvenu de ce but vide qui a donné le cinquième titre à Lugano ?
Ce titre a donné lieu à des moments particuliers, à des émotions indescriptibles. C’était ma première saison à Lugano et la finale du Tessin divisait le canton. J’ai vécu dix jours sur un nuage. Nous avions une grande équipe, mais Ambrì a réalisé une saison régulière extraordinaire. Nous pouvions compter sur Christobal Huet dans les buts (qui a fermé le volet en finale), Gaetan Voisard, Marcel Jenni, Igor Fedulov, Misko Antisin, Mark Astley, Patrick Fischer, Gian-Marco Crameri, Jean Jacques Aeschliman et Peter Andersson, capitaine sur et en dehors de la glace.
L’année précédente, vous étiez devenu champion de Suisse avec Berne. Puis vous avez décidé de venir à Lugano. Pourquoi ce choix à l’âge de 28 ans ?
A Berne, j’ai rencontré Jimmy Koleff et si je suis arrivé à la Resega, c’est surtout grâce à lui. Lugano, après l’ère Slettvoll, n’arrivait plus à gagner le titre. A Berne, j’avais passé cinq saisons avec un titre. Pour moi, c’était un défi et, au fond de moi, je sentais que Lugano était le bon choix, le moment idéal pour un changement. J’ai passé huit saisons à Lugano, remportant trois championnats et disputant six finales.
En 2003, deuxième titre avec un Larry Huras historique sur le banc….
Pour nous, il s’agissait d’un changement radical. Quand je pense à Huras, je me souviens des périodes qu’il passait devant la vidéo. Après les séances d’entraînement ou la veille des matches, Larry arrivait avec ses cassettes VHS et nous expliquait la vie, la mort et les miracles des adversaires. Larry travaillait aussi avec les images lorsque nous étions absents. Après le match, dans le bus, il avait la cassette que TSI nous avait fournie et faisait ses montages.
En 2006, après la victoire de Bern en saison régulière, vous avez réussi un véritable exploit. Le destin a voulu qu’Ambrì passe à la caisse… sept ans après la finale tessinoise… Mais bon…
Sur le papier, nous avions les faveurs du pronostic. Mais les quarts de finale n’ont pas commencé de la bonne manière. Nous avons perdu les trois premiers matches et nous étions dos au mur. A certains moments, il n’est plus nécessaire d’analyser beaucoup de choses. Il suffit parfois d’une étincelle, d’un coup de chance. Nous étions tous conscients qu’une victoire suffirait à nous relancer et à inverser la série. Et c’est ce qui s’est passé : nous avons gagné le Game 4 à la Valascia et si je me souviens bien, il y a eu un épisode en notre faveur. Julien Vauclair, de retour du banc des pénalités, s’est retrouvé face à Bäumle, l’a vaincu avec de la chance et nous a donné la première victoire de la série. Après trois défaites, nous avons réussi à renverser la vapeur et à atteindre la demi-finale contre Kloten. La finale contre Davos nous a permis de remporter notre septième titre devant nos supporters. Nous étions emmenés par Ville Peltonen, Petteri Nummelin, Glen Metropolit, Hentunen et York mais aussi Ryan Gardner, Sandy Jeannin, Sera Reuile, Flavien Conne, Steve Hirschi, Andy Naser, Raffaele Sannitz et Krister Cantoni.
A 36 ans, vous décidez alors de dire adieu au hockey d’élite et de vous installer avec votre famille à La Chaux-de-Fonds. Avec les Montagnards, vous réalisez peut-être le plus beau des rêves…
En effet, oui. J’ai passé cinq saisons à La Chaux-de Fonds, dont la dernière (en 2013 à 43 ans) avec la joie de pouvoir jouer ensemble, dans le même bloc, avec mon fils Jason, tout juste âgé de dix-huit ans. Ce fut une grande émotion et je peux donc dire que j’ai raccroché mes patins le cœur lourd.
Aujourd’hui, vous vivez toujours dans la ville pittoresque des horloges avec votre épouse Isabelle…
J’ai d’abord essayé de rester dans le hockey, en tant que directeur technique des Montagnards, mais après quelques années, je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. Depuis une dizaine d’années, je m’occupe de finances dans le canton de Neuchâtel.
Vous allez être intronisé au Panthéon du HCL, qu’en pensez-vous ?
Lorsque Jean Jacques (Aeschlimann, ndlr) m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle, j’ai failli ne pas y croire. Entrer au Panthéon me remplit de fierté. C’est une fierté d’être rappelé parmi des personnalités historiques. J’ai toujours considéré le hockey comme un magnifique sport d’équipe.
Le destin s’écrit souvent en chiffres : le 14 porté par Regis Fuchs, qui est aujourd’hui sur les épaules de Jason, son fils et joueur lausannois. Le 99, c’est le nombre total de buts marqués par papa Fuchs avec le maillot du HCL. 99, c’est l’année que les supporters de Lugano n’oublieront jamais.
Mise à jour: Le HC Lugano a décidé de reporter cette cérémonie (lire notre news)