CHRONIQUE – Philippe Ducarroz

Désolé Gerd, mais si je prends la plume aujourd’hui, c’est pour faire part de mon incompréhension. Car à mon avis, tout Gerd Zenhäusern que tu es et que je respecte, je ne comprends pas grand chose à ce que tu nous réserves depuis ta nomination au poste de directeur technique de Gottéron. Aujourd’hui, la situation des Dragons n’est pas bonne – elle ne peut que s’améliorer – et elle commence à lasser dans une ville qui est peuplée de directeurs techniques ou coaches en puissance (les fans, voire certains dirigeants). Les «anti-Zenhäusern» donnent de la voix…

Je ne fais pas partie des «anti», loin de là, mais j’essaie de comprendre la stratégie devant aboutir à douze mois ambitieux jusqu’à l’arrivée du nouvel entraîneur pour la saison prochaine. C’est pour cela que je vais te faire part de ma vision des choses. Et je me base sur des faits, mon ressenti et des bruits de couloirs que je qualifierai de crédibles.

Tout d’abord, il faut que tu saches que tes courtes interventions dans le film qui a été très regardé en cinéma («Until the End») et revenant sur la saison passée du club ne t’a pas rendu service. Parce qu’il s’appesantit un peu sur le non-renouvellement de contrat d’Andrei Bykov, mais aussi parce que tes propos plutôt «c’est pas ma faute, j’assume la décision, mais je n’étais pas seul à la prendre» sont une séquence assez désagréable. Le pire, c’est que tu dis la vérité, mais elle n’est pas toujours bonne à entendre…

Tu as manqué le coche

Et comme tu as hérité de la patate chaude avec l’affaire Bykov alors que tu partageais encore le poste de directeur technique avec Christian Dubé, je repars depuis le début.

Je pense sincèrement que se passer d’Andrei Bykov est une erreur monumentale. Aujourd’hui, le vestiaire n’est plus le même, il lui manque un élément vital. Dubé (surtout) et toi en avez été les initiateurs. Et c’est là que tu as raté un premier coche, qui aurait pu te donner aujourd’hui une image d’homme fort et non pas de directeur technique obligé de parer au plus pressé.

Ta première décision, en tant que seul directeur technique, aurait dû de casser la décision de ton prédécesseur. Non seulement tu réglais ainsi d’un coup le problème de vestiaire, mais tu aurais démontré une vision différente de celui dont tu étais jusqu’alors considéré comme le papier-carbone.

Et au lieu de partir dans cette solution ô combien boiteuse de n’engager Pat Émond que pour cette saison de transition, tu l’aurais laissé à sa place d’adjoint et tu aurais proposé à Dubé de garder son poste de coach jusqu’au terme de la saison 2024/25. Qui aurait dit oui ou non, on ne le sait pas, mais qui aurait alors dû accepter le retour de Bykov dans le contingent. Point barre.

Alors oui, il fallait avoir des c… pour oser priver Dubé de sa dernière année de contrat. Tu en a été le communicateur, mais tu as aussi subi bien des discours (pour ne pas dire des pressions) défavorables à Dubé à l’interne pour débarrasser le club d’un coach qui gênait jusqu’au plus haut de l’organigramme.

Et maintenant?

Aujourd’hui, au lieu de te concentrer sur la saison 2025/26 et suivantes, tu es obligé de courir après un 7ème étranger pour gonfler un contingent qui a bien besoin d’être remplumé avec ses trois échéances (National League, Champions League et Coupe Spengler), mais ça on le savait déjà depuis longtemps. Là encore, Bykov aurait été d’une utilité évidente. Et à moins d’amener un crack, une démarche inutile dans la mesure où le contingent des mercenaires est toujours bon mais pas productif actuellement, question de confiance, ce n’est pas ça qui résoudra tous les problèmes.

Je pense très sincèrement que Gottéron ne restera pas trop longtemps collé à cette avant-dernière place. Regarde ce contingent, il est bon! Certes, les arrivées de Santiago Näf, Jeremy Gerber et surtout Yannick Rathgeb n’ont pour l’heure pas compensé les déoarts de Bykov et Mauro Jörg. L’éclosion de Jan Dorthe, par contre, est un vrai bonheur inattendu. Mais comme tout le monde s’est renforcé sauf… Fribourg, il était clair qu’une série de défaites allait entraîner une grosse crise. Nous y sommes.

Une équipe de beau temps

J’avoue regarder très régulièrement les résultats du championnat de Suède et de Frölunda en particulier. L’équipe de Göteborg entraînée par celui qui sera le chef à la bande la saison prochaine: Roger Rönnberg. Actuellement cinquième seulement, l’organisation a d’autres ambitions. Avec seulement trois victoires sur neuf matchs dans le temps réglementaire, je me dis qu’il y a là une piste à creuser. En Suède, on n’a pas trop compris non plus l’annonce une année à l’avance du départ du coach. Voilà qui le fragilise un peu.

Bref, aujourd’hui, toi Gerd, es sous le feu de la critique et essaies d’expliquer maladroitement ce que tout le monde a déjà compris, Émond passe de très mauvaises nuits en pensant à ses détracteurs qui ne l’estiment pas – à tort – à la hauteur mais qui ne sait pas trop comment sortir son équipe du marasme, l’organisation a perdu de sa superbe en l’espace de quelques semaines.

On le sait, Gottéron est une équipe de beau temps et tombe vite dans le doute quand ça ne fonctionne pas. Mais c’est aussi là qu’elle trouve toutes ses ressources: dans la difficulté. Fribourg devient vite un petit Montréal: tout devient lourd, grave et très critique. Alors Gerd, je te souhaite une belle suite d’exercice, du succès dans ta quête de joueurs (car il en faudra plus qu’un pour terminer la saison) et surtout que l’organisation (dans les étages) se montre suffisamment patiente pour ne pas commettre la bourde de trop.

(Les propos de cette rubrique ne reflètent pas forcément l’avis de l’ensemble de la rédaction)