LUGANO – Filippo Frizzi
Seuls ceux qui le connaissent bien savent que c’est un géant au cœur tendre: une carapace dure comme l’acier, mais une âme généreuse. En avril, il a fêté ses 66 ans, mais son physique reste celui d’un quadragénaire. Le 23 novembre prochain marquera les quarante ans de son arrivée en Suisse, et pourtant, on a l’impression que c’était hier. Marco Baron – from Canada – faisait ses débuts dans les cages de l’Ambrì, lors d’un derby mémorable pour tous les fans biancoblù. Si ma mémoire est bonne, c’était la première victoire d’Ambrì dans un derby après son retour en LNA, lors de cette fameuse saison 1985/86, entrée dans l’histoire avec le premier titre du Lugano de Geo Mantegazza et John Slettvoll.
Aujourd’hui, quarante ans après son arrivée au Tessin, Baron est devenu l’un des nôtres. Avec son accent canadien et sa simplicité, il incarne l’homme vrai, façonné par le hockey et les valeurs du travail quotidien, comme il se doit quand on vient de Montréal. Baron, c’est la salle de sport, la famille et une vie saine. Un homme qui fait l’unanimité dans un canton pourtant souvent divisé sur la glace. Il plaît pour sa sincérité, sa passion intacte, et cette lueur d’enfant dans les yeux chaque fois qu’il parle de hockey.
Toujours dans la partie
À peine rentré d’une courte pause en famille, il n’a pas manqué une miette du championnat du monde: il y a le Canada de Sidney Crosby, et la Suisse de « Fischi », comme il surnomme Patrick Fischer. Avant de retrouver les studios de la RSI, nous avons échangé avec celui qui, de Boston, fut propulsé à Ambrì.
Marco, tu n’aimes pas les pronostics… mais si tu devais nommer la finale des Mondiaux?
Suède-Canada! J’ai vu un grand Crosby et beaucoup de jeunes talents côté canadien. Et puis, il y a Marc-André Fleury dans le vestiaire. Il fêtera ses 41 ans en novembre, et c’est toujours mon idole. La Suède reste solide, je pense donc que ce sera la finale.
La Suisse semble bien partie dans le groupe B. Tu as suivi leurs performances?
Très bonne équipe. Une seule défaite contre la Tchéquie, en prolongation. Puis une montée en puissance, avec beaucoup de maturité face aux États-Unis et à l’Allemagne. Le carton contre la Hongrie a permis à des joueurs comme Andrighetto ou Malgin de souffler après leur longue saison avec les ZSC Lions.
La blessure de Nico Hischier change-t-elle la donne pour la Suisse?
Sans aucun doute. La Suisse est une équipe solide, mais Hischier est irremplaçable. En NHL, c’est une star. Il joue tous les rôles: power play, box play, contre la meilleure ligne adverse… C’est comme jouer au poker avec seulement quatre cartes.
Une passion devenue métier
Et cette collaboration avec la télévision, comment a-t-elle commencé?
Il y a longtemps. Tu sais, le hockey, c’est ma vie. J’ai toujours voulu me débrouiller seul. Je ne me souviens plus comment ça a commencé, mais ce que je sais, c’est que j’y prends toujours autant de plaisir.
Le 23 novembre prochain, cela fera 40 ans que Marco Baron a posé ses valises à Ambrì. Lui qui pensait rester une saison est aujourd’hui un vrai Tessinois, parlant même le dialecte local. Des regrets malgré tout?
Aucun. J’étais un gardien canadien de 26 ans sans contrat et j’ai tenté ma chance en Suisse. Je n’oublierai jamais Sergio Gobbi, alors directeur général d’Ambrì, qui m’a demandé pendant le trajet Zurich-Ambrì si j’étais un bon gardien. Je me suis demandé où j’avais atterri!
Avec un premier derby contre Lugano resté mythique…
Jorns s’est blessé un vendredi, on m’a appelé, et le dimanche j’étais au Tessin. Quelques jours plus tard, j’étais sur la glace à Davos, puis titulaire dans ce derby exceptionnel. On a gagné 5-2, et la Valascia est devenue une marmite d’émotions.
Aujourd’hui, tu es pleinement installé au Tessin. As-tu jamais envisagé de partir?
Jamais. Ma vie est ici. Après ma carrière, j’ai ouvert une salle de sport avec des amis. Un mois plus tard, j’ai rencontré Anna, devenue ma femme. Ensuite, tout est allé très vite: les enfants, les collaborations avec Lugano, Ambrì et GDT Bellinzona. J’avais reçu deux offres, de France et de Finlande… mais j’ai choisi de rester.
Parfois, le destin envoie des signaux. À nous de les saisir pour vivre pleinement. Marco Baron, à 66 ans, sait qu’il referait exactement les mêmes choix. Et il savoure le soleil tessinois, serein, toujours passionné par le hockey.