Hier à Stockholm, le Canada a vécu ce qu’aucun pays au monde ne redoute autant dans l’arène du hockey: une élimination prématurée contre un adversaire considéré beaucoup plus faible, hier le Danemark) en quart de finale du Championnat du monde. Une défaite inattendue, historique, mais peut-être salutaire. Car elle révèle des fissures que l’or olympique ou les titres juniors ne suffisent plus à masquer. Il ne faut pas se voiler la face au pays à la feuille d’érable: malgré les noms ronflants sur la feuille de match – Crosby, MacKinnon, Makar – le Canada a semblé jouer en pilote automatique. Privée d’un vrai projet de jeu, l’équipe nationale a été dépassée non pas par le talent danois, mais par son organisation, sa discipline et sa foi collective. Ce que les Danois ont démontré, c’est que le hockey moderne ne se joue plus seulement à la force du poignet ou à l’aura d’un nom, mais avec une intelligence tactique et une identité claire.
Le mal est plus profond qu’un simple mauvais match. Il touche au cœur du système canadien. Le modèle de développement reste l’un des plus performants au monde, certes. Mais il produit aujourd’hui des joueurs aux trajectoires linéaires, bardés de statistiques, mais parfois peu préparés à évoluer dans un cadre international où la vitesse d’adaptation, la polyvalence et le sens collectif priment. L’élite U20 domine encore, mais la transition vers le niveau sénior patine. Le jeu canadien, fondé sur la robustesse et l’intensité, semble figé face à des nations qui misent sur la technique, la fluidité et la rigueur. Le vrai défi n’est plus de former des vedettes, mais de bâtir des équipes capables de penser et d’agir en cohérence sur la glace.
Les Jeux olympiques d’hiver de Milan-Cortina seront l’occasion d’un renouveau. Hockey Canada sortira-t-il de son tiroir une sélection exceptionnelle? Ce qui s’impose, c’est une sélection pensée non comme une vitrine de talents individuels, mais comme un collectif soudé, construit autour de rôles précis et d’une vision de jeu moderne. Cela passera par un choix courageux d’entraîneurs, de gestionnaires et de joueurs. Pourquoi ne pas s’inspirer de la recette européenne? Pourquoi ne pas s’ouvrir à d’autres manières de jouer, d’enseigner, de construire une équipe ? Ce sont là des questions que se pose aujourd’hui l’amateur de hockey canadien.
Le Canada a les moyens de redevenir une puissance dominante. Mais il devra apprendre à perdre pour mieux reconstruire. Cette élimination ne doit pas être vue comme une honte, mais comme une opportunité historique d’évolution. Le hockey canadien n’est pas en crise. Il est à la croisée des chemins.