Par Philippe Ducarroz
On ne pourra pas le dire autrement: la saison du double-champion de Suisse Zoug, qui s’est terminée abruptement à Genève, est un échec. Deux trophées en jeu (Champions Hockey League, National League) et deux déceptions.
Loin des standards désormais d’un club qui se veut dominant dans notre pays et qui s’en donne – donnait? – les moyens. Mais à la différence des Berne ou autres ZSC Lions où l’argent coule (presque) à flots, il y a un petit « plus » à Zoug: la réflexion, l’audace, la patience, la méthode.
Mais cette saison, peut-être plus obnubilé aussi par son objectif continental que local, le champion n’a pas été tout à fait à la hauteur. Le club est tombé de très haut lors de son élimination de la CHL en demi-finale face à Tappara Tampere, le futur champion d’Europe.
Et quand Dan Tangnes, quelques minutes après le match décisif, décochait un cinglant «C’est la bonne équipe qui est en finale!» en parlant du GSHC, il mettait bel et bien le doigt sur les manquements de son équipe.
Défensive: avantage Genève
À rechercher – d’abord – dans une arrière-garde beaucoup trop légère pour tenir le choc. Surévaluée la saison passée? Sans doute. Toujours est-il qu’il a suffit de l’absence sur blessure d’un Niklas Hansson pour rendre aphone une offensive qui ne voyait plus le puck arriver depuis l’arrière. Lorsque le Suédois est revenu au jeu, il ne fut plus aussi dominant.
Alors bien sûr, il y avait encore ses compatriotes Adam Almqvist (11 points) et surtout Christian Djoos (39 points), mais Tobias Geisser (26 points) avait peut-être un peu trop de responsabilités «helvétiques» pour cacher certaines insuffisances. À 24 ans, il était (à l’exception de Samuel Kreis) le doyen d’une défense qui devait beaucoup compter sur des Arno Nussbaumer (20 ans) ou Rémi Vogel (21 ans).
Face au duo Henrik Tömmernes – Sami Vatanen, la bataille du secteur était perdue d’avance. Lorsque Jan Cadieux a pu reformer sa paire Simon Le Coultre – Arnaud Jacquemet, l’équilibre défensif des Genevois a été assurée par les trois autres Helvètes (Marco Maurer, Roger Karrer, Michael Völlmin).
Offensive: avantage Genève
À l’avant, en laissant pour l’heure le contingent étranger de côté, la déception est vive chez les Zougois. Bien sûr, Dario Simion et Lino Martschini ontassuré le minimum vital en séries (1 point/match), mieux qu’un Gregory Hofmann parfois transparent et à la production divisée par deux.
Mais c’est bien au niveau des imports que le bât a blessé. le contingent étranger savamment élaboré par l’excellent directeur sportif Reto Kläy… avec les moyens qu’on a bien voulu lui laisser à disposition s’est révélé trop juste pour compenser les manquements défensifs.
Des étrangers qui n’ont pas fait le poids
À commencer par Carl Klingberg. L’exemple-même de la fidélité pour un homme débarqué de KHL en 2019 et qui a fait ses adieux 419 matchs plus tard. Et qui désespère de ne voir aucune proposition crédible lui venir d’autres organisations helvétiques. Il y a bien une raison à cela.
Peter Cehlarik, engagé pour la saison, a laissé sa place en saison régulière à Carter Camper. Pas vraiment une réussite. Justin Abdelkader a surtout valu par l’impact physique qu’il a amené, Adam Almquist s’est retrouvé dans un maillot trop grand pour lui.
Restent donc Christian Djoos (annoncé en partance pour Lausanne depuis longtemps, on voulait couper dans son contrat) et Niklas Hansson (quelle déception durant ces séries!) à l’arrière que l’on classera aussi dans la catégorie « suffisants ».
Deux attaquants étrangers ont par contre beaucoup apporté. Sans surprise, Jan Kovar (photo) a terminé meilleur compteur de son équipe (58 matchs, 54 points) juste devant Martschini et l’Américain Brian O’Neill (44 point) qui avait même fait exploser les compteurs en Champions Hockey League.
Avec du recul, et à y regarder de plus près, Zoug n’avait pas les armes pour devenir champion d’Europe (son premier objectif) et encore moins de remporter un troisième titre consécutif en Suisse.
Moins de moyens
La faute à qui? Surtout à une armée de mercenaires plus faibles que ceux de la concurrence. La guerre en Ukraine a aussi fait du mal au champion de Suisse qui n’a pas pu garnir ses rangs avec des joueurs majeurs comme ceux de Genève justement. En étant deux fois plus productifs en séries qu’en saison régulière, les Teemu Hartikainen, Linus Omark et autres Daniel Winnik ont fait la différence.
La blessure de Hansson a pesé, la saison régulière moyenne de Genoni aussi. Mais on peut aussi comprendre que depuis trois ans, le EVZ n’a pas pris le temps de souffler. Ça s’est senti sur la glace et même dans les gradins.
Enfin, il y a Patrick Langwiler, le manager du club. Qui a, semble-t-il, resserré les cordons de la bourse, il faut bien le dire au plus mauvais moment. Zoug ne s’est pas donné les moyens de ses ambitions, cette saison. Il vient d’en découvrir les conséquences.