Mike Sgarbossa, nouveau visage du HC Lugano, incarne parfaitement le profil que Janick Steinmann semble vouloir imposer à la Cornèr Arena: technique, intelligence de jeu, engagement total… et un sacré vécu nord-américain. À 32 ans, ce centre canadien débarque du farm system des Capitals avec un CV solide: plus de 600 matchs d’AHL, une poignée d’apparitions en NHL, un titre de Calder Cup en 2024 et un jeu taillé pour piloter une ligne offensive en Europe. C’est ce rôle qu’il pourrait endosser au Tessin, celui que Mark Arcobello a longtemps tenu : un centre de jeu pur, capable de dicter le tempo.
On parle ici d’un joueur au playmaking affiné, qui pense collectif avant tout. Son point fort? La vision. Dans un hockey suisse rapide et de plus en plus basé sur la transition, sa capacité à faire circuler le puck sous pression, à trouver les intervalles au bon moment, peut devenir une arme tactique majeure. Il ne cherche pas à briller par le tir – même s’il sait conclure – mais il fait briller les autres. Ses passes sont tendues, précises, souvent imprévisibles. Il n’a jamais été le joueur qui aligne les highlights… mais c’est souvent lui qui les initie.
Sgarbossa, ce n’est pas du power hockey, et ce n’est pas non plus un virtuose au style flamboyant. C’est un cerveau sur patins, avec des jambes qui tiennent le rythme. Rapide, mobile, souvent bien positionné en zone neutre, il fait peu d’erreurs coûteuses. Défensivement, il est fiable, et peut se muer en soutien sur le box-play sans problème. Ce n’est pas un leader vocal mais un joueur qui inspire par son intensité. Un gars qu’on ne remarque pas à la première présence, mais qui gagne la confiance du coach au fil des matchs. Les coaches aiment ce genre de joueur. Les coéquipiers aussi.
UN BATTANT
Son parcours? Typique de ceux qu’on qualifie de « tweener » en Amérique du Nord. Trop fort pour l’AHL, pas assez pour tenir un spot permanent en NHL. Ce n’est pas une insulte, c’est même devenu une catégorie à part entière. Et Sgarbossa y a excellé. Il a souvent été l’homme à appeler quand Evgeny Kuznetsov ou Nicklas Bäckström étaient blessés à Washington. Et quand il montait, il faisait le job. Propre. Solide. Sans se plaindre.
On le sait: la NHL n’a jamais été tendre avec ce type de joueur. Pas drafté, malgré une belle carrière junior (meilleur marqueur de l’OHL, capitaine, prix du fair-play…), il a dû se battre pour chaque contrat. Les scouts le voyaient comme « trop léger », pas assez explosif. Traduction: il n’entrait pas dans les cases du moment. Il a quand même signé pro avec Colorado, puis a navigué entre Anaheim, Florida, Winnipeg et enfin Washington. Toujours sur le fil. Toujours en mission.
Et puis il y a eu Hershey. Une vraie maison. Il y devient leader incontesté, capitaine de vestiaire sans le « C », et moteur offensif. En 2024, il décroche enfin ce que peu de joueurs peuvent afficher: une Calder Cup. C’est un titre qui compte en AHL. Il en parle avec fierté, comme d’un accomplissement. Et on comprend pourquoi. Car en parallèle, la NHL lui a fermé la porte à chaque fois qu’un nouveau nom arrivait au sommet de la depth chart. Quand ce n’était pas Bäckstrom ou Kuznetsov, c’était Dylan Strome ou Pierre-Luc Dubois. Pas facile de se faire une place là-dedans. Il ne s’est jamais plaint. Il a juste continué.
Mais à un moment, il faut choisir. Et Sgarbossa a choisi l’Europe. Non pas pour fuir, mais pour construire. Il le dit lui-même: «Sept ans dans la même organisation, c’est un privilège. Mes enfants sont nés à Washington. Mais j’ai envie de stabilité. J’ai envie d’être un pilier, pas un remplaçant.» Et c’est à Lugano qu’il veut devenir ce pilier. Pour un centre de son profil, le championnat suisse est une belle opportunité. La glace est grande, les responsabilités sont claires, et le style correspond à ses forces.