Par Philippe Ducarroz
Lausanne HC (2e), Genève-Servette (3e) et Fribourg-Gottéron (4e) continuent de jouer avec les nerfs des clubs suisses-alémaniques et tessinois à la mi-saison. On en connait, habituellement très critiques envers les organisations de ce côté-ci de la Sarine qui, aujourd’hui, font le poing dans leur poche en attendant des jours… meilleurs. Car oui: de ses cinq représentants dans l’élite, la Romandie en place quatre dans les neuf premiers, presque une aberration statistique. Mais tout peut changer très vite aussi, seule la grosse différence de points entre le huitième (ZSC Lions, 43 points) et le neuvième (Bienne, 35 points) apporte une marge qui permet aux huit premiers d’évoluer l’esprit assez tranquille en vue des playoffs.
Lausanne (2ème) – 53 points
Le Lausanne HC est le club qui a pour l’heure réussi à limiter les dégâts face au leader Davos. Mais l’écart entre les Grisons et leur dauphin affiche déjà 11 points. Le club a avalé un été mouvementé. Pourtant, la stabilité sportive n’a pas bougé. Au sein de la direction, on estime que cette continuité est la plus grande réussite de la première moitié de saison – preuve que le staff technique a frappé juste dans ses choix et dans sa gestion.
En première loge, Geoff Ward, déjà élu meilleur coach de National League deux années de suite, a réussi à faire fonctionner un groupe rajeuni comme jamais. Lausanne avait perdu de grosses pièces en défense, notamment Andrea Glauser et Lukas Frick. Pas encore compensée par les arrivées d’Inaki Baragano et Basile Sansonnens, mais le duo est sur la bonne voie. Les performances irrégulières de Sami Niku restent toutefois une interrogation. Mais l’arrivée du Suédois Erik Brännström, joueur à la créativité rare, a rééquilibré la ligne bleue presque à lui seul. Devant, l’arrivée d’Austin Czarnik, meilleur compteur de la saison passée, s’est révélée un coup parfait : il s’est fondu immédiatement dans le jeu lausannois et pointe désormais tout en haut du classement national des pointeurs. Dans les cages, le retour d’Amérique du Nord de Connor Hughes a permis de compléter avec Kevin Pasche le duo qui avait propulsé le LHC en finale en 2024. Ils forment actuellement le duo de cerbères le plus complémentaire de la Ligue.
Genève-Servette HC (3ème) – 48 points
Après deux saisons sans playoffs et un moral en berne, Genève-Servette a allumé les warnings cet été. L’intersaison a servi de reset total : Marc Gautschi a refait la base de l’équipe en profondeur. Nouvelle colonne d’étrangers, retour du gardien Stéphane Charlin, rapatriement des anciens Dave Sutter et Tim Bozon pour remettre un peu de fibre grenat dans un vestiaire jugé trop aseptisé. Bref, un nettoyage complet pour retrouver l’ADN d’autrefois.
Le vrai tournant est arrivé début octobre, avec le passage de Yorick Treille à Ville Peltonen derrière le banc. Le Finlandais a remis des rails, de la discipline et un cadre clair à une équipe qui jouait jusque-là trop souvent au feeling. La tâche de l’entraîneur français était minée dès le départ: entre rumeurs de l’arrivée de Sam Hallam (contrat pour la saison prochaine officialisé depuis) et un potentiel No 1 (Peltonen) comme assistant, la pression était grande sur le banc. De plus, on a souvent senti du dédain par rapport au passeport tricolore de Treille, une attitude nauséabonde.
Mais il faut aussi admettre que le spectacle sur la glace est très différent: d’équipe sans âme et parfois active, le GSHC est devenu pro-actif. Les humiliations encaissées à Lausanne (11-0) et Bienne (8-0) auraient pu tout faire exploser, mais elles n’ont finalement eu qu’un effet cosmétique : elles ont simplement donné une image faussée d’un début de saison qui, d’un point de vue comptable, est resté solide du début à la fin. Faudrait-il maintenant que certains joueurs suisses haussent encore le niveau de leur jeu, que des défenseurs pourtant expérimentés, retrouvent leur niveau pour pouvoir prétendre rester sur le podium. Jusqu’ici, les étrangers ont porté presque toute la charge offensive. Enfin, dans les buts, le duo Stéphane Charlin – Robert Mayer (Gauthier Descloux a complètement disparu de la circulation) monte constamment en puissance depuis que Mayer a – semble-t-il – accepté son rôle de back-up de luxe. Le capitaine Noah Rod, après une saison blanche, est de retour pour montrer le chemin à suivre… et pousser une «gueulante» de temps en temps.
Fribourg-Gottéron (4ème) – 47 points
À Fribourg, l’arrivée de Roger Rönnberg a changé bien des choses. Si la philosophie de l’entraîneur se rapproche fortement de celle du directeur sportif Gerd Zenhäusern, on sent déjà la patte… différente d’un coach aux méthodes «douces», prêt à échanger avec ses joueurs, mais aussi au discours franc et sans concession. Vous y rajoutez une pointe d’humour et vous avez l’homme qui ne veut pas quitter Fribourg avant d’avoir fêté un titre de champion de Suisse.
Mais à la BCF Arena, on refuse de s’emballer. Le club vit encore trop de montagnes russes pour prétendre avoir trouvé la formule parfaite. Les blessures à répétition du cerveau de l’équipe, Lucas Wallmark, freinent le développement des Dragons. Mais en même temps, le directeur sportif reconnaît que la transition a évolué dans la direction espérée : la mise en place demande du temps, mais le potentiel du groupe est bien là, et il est même meilleur que ce que certains imaginaient en début de saison.
Il est vrai que les arrivées conjuguées, par exemple, des deux jeunes Zougois Attilio BIasca et Ludvig Johnson étaient un pari osé. Essai transformé en coup gagnant: Biasca est devenu un élément essentiel dans le Top 6 des attaquants, Johnson est tellement à l’aise que la crainte de le voir partir sous d’autres cieux nord-américains dès la saison prochaine est réelle. Le groupe vit bien, ne montre pas toujours l’envie d’aller jusqu’au bout de ses idées (ce qui énerve beaucoup Rönnberg) et peut compter sur un duo d’étrangers performant en arrière (Patrik Nemeth, Michael Kapla) pour épauler les internationaux Yannick Rathgeb, Andrea Glauser ou Benoît Jecker. À part les ZSC Lions, aucun autre club helvétique ne possède une telle densité en défense.
À l’avant, les Jacob De la Rose, Henrik Borgström et Marcus Sörensen (surtout lorsque Wallmark n’est pas absent) livrent la marchandise, Gottéron possède un excellent Top 9 offensif et un quatrième trio de développement et qui s’acquitte bien de son travail. Enfin, devant les filets, Reto Berra est impérial. La saison prochaine, la responsabilité du duo Ludovic Waeber – Loic Galley sera grande pour faire oublier le monument.
