Arrivé à Bienne comme un renfort de choix, Linus Hultström devait être le défenseur capable de dynamiser la ligne bleue seelandaise. Le Suédois, 32 ans, traîne derrière lui une solide réputation de fabricant de jeu : passe millimétrée, mobilité intelligente, capacité à transformer chaque entrée de zone en occasion de but. Depuis plusieurs saisons, en SHL comme lors de ses passages dans les cercles nord-américains, on le décrivait comme un défenseur moderne, doté d’un réel sens tactique et d’un œil capable d’ouvrir un couloir là où d’autres ne voient qu’un mur. Tout semblait indiquer que Bienne tenait là son quarterback de powerplay, celui qui allait enfin remettre de l’ordre et du panache sur la ligne bleue.
Sauf que la réalité biennoise ne ressemble pas à ce qui est écrit sur son CV. Oui, Hultström délivre des assists, et oui, il permet parfois au jeu offensif de respirer. Mais l’autre côté de la médaille, la couverture défensive, n’est pour l’instant pas au rendez-vous. À 5 contre 5, ses chiffres n’ont rien de catastrophique mais ils n’ont rien d’imposant non plus. Chaque erreur, chaque hésitation défensive devient visible, presque amplifiée par l’attente placée sur ses épaules. Le public ne voit pas l’élégance d’une passe laser : il remarque surtout le gap trop large, le duel perdu dans le coin ou le tir alibi.
Son job: créer, pas verrouiller
Tout cela vient d’un décalage qui dépasse l’individu. Le système biennois exige une rigueur défensive stricte, un placement précis que Hultström n’a pas encore assimilé avec confort. Dans les ligues où il a brillé, on lui donnait de l’air : on lui demandait de créer, pas de verrouiller. À Bienne, on attend des deux. Et l’adaptation n’est pas immédiate. Le problème est accentué par l’instabilité de la défense seelandaise : partenaires changeants, alignements chamboulés, blessures qui obligent à recomposer les paires en permanence, voire perte de Alexander Yakovenko.. Un défenseur offensif a besoin d’automatismes, de savoir exactement qui couvre derrière quand il tente sa percée. Lui, pour l’instant, doit réfléchir là où il devrait, tout simplement, sentir le jeu.
Comme si cela ne suffisait pas, Hultström a subi un coup à la tête en octobre. Rien d’anodin pour un joueur dont le cerveau est l’arme principale : un défenseur créatif dépend de sa lecture du jeu, de sa capacité à anticiper. Même après son retour, il semblait parfois une demi-seconde moins sûr, moins incisif, comme si le moteur tournait mais hésitait à monter dans les tours. Un léger retard à ce niveau-là, et chaque situation peut vite se transformer en risque.
Aux States également
Ce tableau, les observateurs nord-américains l’avaient déjà esquissé plus tôt dans sa carrière : ils louaient sa créativité et son QI hockey au-dessus de la moyenne, tout en notant un manque d’explosivité défensive et de constance dans les duels physiques. Rien d’inattendu, donc, dans ce que traverse aujourd’hui Bienne. Le joueur est ce qu’il a toujours été : une arme offensive, pas un pilier défensif impitoyable.
Alors la question devient simple : Bienne veut-il utiliser cette arme ou la contraindre à devenir autre chose ? Si on lui donne un rôle clair, un partenaire stable, une place assumée sur le powerplay et des minutes défensives adaptées, Hultström peut encore devenir la pièce maîtresse que les dirigeants imaginaient. Si on attend de lui qu’il se transforme en mur défensif, alors le club risque de s’exposer à une déception — et le joueur, à une pression grandissante dans un contexte où les étrangers, surtout les offensifs, sont toujours les premiers à être jugés. Le potentiel est évident, le talent est réel, les intentions aussi. Il ne manque plus qu’une alchimie. Linus Hultström n’a pas fini de faire parler de lui. La seule question est de savoir si ce sera pour de bonnes raisons… ou pour de mauvaises.
