Par Filippo Frizzi
Le premier jour de travail, c’est comme le premier amour : on ne l’oublie jamais. Et peu importe si l’on travaille dans une banque ou si l’on est un tout jeune joueur au début d’une carrière sportive. Ce sont des souvenirs qui font partie d’un kaléidoscope de couleurs, de saveurs et de sensations. Lucas Matewa, défenseur – d’origine congolaise mais né à Lausanne – du HC La Chaux-de-Fonds, n’oubliera jamais ses débuts dans le hockey… des grands.
Près de huit ans ont passé depuis cette date. Le Lugano de Greg Ireland lui avait permis de faire ses débuts chez les professionnels. « Je me souviens de chaque détail de ce jour-là, dit Matewa, qui fêtera ses 26 ans le 7 novembre prochain – impossible d’oublier. Mes débuts en National League ont eu lieu à la Resega (aujourd’hui Corner Arena) contre Zoug. Greg Ireland (actuellement entraîneur d’Ajoie) m’a dit de rester calme et de faire les choses simplement : si tout se passait bien, il me reconduirait pour le lendemain. »
Si je ne me trompe pas, le lendemain de votre victoire contre Zoug, le calendrier prévoyait le derby tessinois, à Ambri…Exactement. Le derby au Tessin, ça ne s’explique pas, il faut le vivre. On en parle déjà les jours précédant le match, on va se coucher la veille en pensant que ce sera une rencontre différente de toutes les autres. J’ai été impressionné dès notre arrivée à la Valascia : déjà deux heures avant, en gare le bus sur l’esplanade, il y avait des supporters biancoblù prêts à nous siffler et nous insulter. J’avais joué pour les Rockets, mais je n’avais jamais imaginé vivre des sensations pareilles.
Pour situer les choses : Merzlikins dans les buts, Julien Vauclair, Luca Fazzini, mais aussi des joueurs du calibre de Linus Klasen, Maxime Lapierre, Grégory Hofmann, Luca Cunti, Damien Brunner, Julian Walker et Sébastien Reuille. Pas facile d’entrer dans un vestiaire aussi rempli de champions…
Je suis entré dans le vestiaire sur la pointe des pieds, c’était un rêve qui devenait réalité : c’est là que ma carrière professionnelle a commencé. Je ne voudrais offenser personne mais selon moi, c’était le Lugano le plus fort des dernières années. Elvis est aujourd’hui une star en NHL, et j’ai tellement appris auprès de joueurs comme Linus Klasen et Maxime Lapierre. De grands professionnels, qui n’avaient pas besoin d’élever la voix pour se faire écouter. Pour moi, partager le vestiaire avec quelqu’un comme Julien Vauclair, qui est une “légende” en Romandie, a été vraiment spécial.
Vous entamez votre cinquième saison à La Chaux-de-Fonds : vous jouez en première paire et vous êtes l’un des leaders de l’équipe. Vous avez trouvé votre équilibre…
Sans aucun doute. Je me sens vraiment bien ici : comme tu l’as dit, j’ai beaucoup de temps de jeu et je suis presque devenu un vétéran malgré mon âge. Dans le canton de Neuchâtel, il y a une passion viscérale pour le hockey sur glace. Nous avons gagné la Coupe de Suisse et deux fois le championnat de seconde division. Selon moi, La Chaux-de-Fonds est un peu le Fribourg de la Série B : toute une région soutient son équipe. Nous sommes l’équipe de Swiss League qui attire le plus de monde et jouer – par exemple contre les Bellinzona Snakes – devant plus de cinq mille personnes procure une motivation énorme.
La saison dernière, vous avez ensuite eu l’occasion de disputer les playoffs de National League avec Berne grâce à une licence B…
Je pense que, année après année, j’arrive à apporter quelque chose à mon équipe, et porter le maillot de Berne en playoffs a été une récompense pour ma progression personnelle. Jouer à la PostFinance Arena impose le respect, mais c’est aussi une expérience splendide.
Cinq ans au Tessin, plus de 100 matchs avec les Biasca Rockets et une dizaine avec Lugano. Pourtant, vous êtes né à Lausanne et avez effectué votre formation (jusqu’aux Novices) à Fribourg. Pourquoi avoir quitté Gottéron ?
J’étais un étudiant qui voulait concilier sport et études. Je venais de Lausanne et en changeant de canton il y a eu des problèmes administratifs, disons. Les frais scolaires étaient à la charge de ma famille. Après deux ans dans une école privée, j’ai donc décidé de déménager à Lugano, une ville qui me tenait déjà à cœur puisque nous y passions nos vacances d’été en famille. J’ai ainsi intégré l’école pour sportifs d’élite de Tenero.
Le temps file et Lucas est prêt pour l’entraînement. Avant de nous quitter, le solide défenseur des « Montagnards » ajoute :
« J’aimerais, un jour, pouvoir jouer le derby romand entre Lausanne et Genève. » En attendant, c’est un match au sommet qui l’attend ce soir aux Mélèzes face au HC Thurgovie, actuel leader en Swiss League…
