Par Marc Savary
Il y a des visages que le hockey fribourgeois n’oubliera jamais. Celui de Christian Hofstetter en fait partie. Défenseur solide, capitaine respecté, il a incarné pendant plus d’une décennie l’esprit combatif du HC Fribourg-Gottéron, ce club qui vibrait déjà au rythme des cloches et des passions régionales. Dans les années 1980 et 1990, quand la patinoire Saint-Léonard grondait et que la ferveur locale portait l’équipe vers les sommets de la LNA, Hofstetter était de ceux qui donnaient tout sur la glace.
Son numéro, aujourd’hui retiré et suspendu dans les cimes de la BCF Arena, aux côtés de ceux des légendes russes Slava Bykov et Andrei Khomutov notamment, rappelle à quel point il a marqué de son empreinte l’histoire du club. Un joueur d’équipe, travailleur, lucide et profondément attaché à ses couleurs. Mais comme souvent, la fin d’une carrière sportive n’a pas signifié la fin de son engagement. L’ancien capitaine s’est réinventé dans un autre rôle, loin du stress du vestiaire, mais au cœur de la même passion.
Après plusieurs années passées à l’IIHF (Fédération internationale de hockey sur glace), Hofstetter est aujourd’hui secrétaire général du Comité d’organisation du Championnat du monde 2026 (CM 2026 de l’IIHF), qui se jouera à Fribourg et Zurich. Une nouvelle aventure pour celui qui, une fois encore, œuvre à faire briller le hockey suisse sur la scène mondiale. Toujours animé par la même passion qu’à l’époque où il portait le “C” sur son maillot, il a accepté de revenir sur son parcours et de partager sa vision du hockey et de l’avenir.
Vous avez connu le hockey d’une autre époque, celle des années 80 et 90, quand le jeu reposait beaucoup sur le cœur et la combativité. Comment regardez-vous l’évolution du hockey d’aujourd’hui, comparé à celui de votre génération ?
Le hockey sur glace de mon époque était en effet plus caractérisé par le cœur, l’esprit combatif et aussi par la résistance physique. Le génie de quelques joueurs individuels pouvait souvent décider un match. Quand je vois le hockey sur glace d’aujourd’hui, je suis fasciné. Le plus grand changement est sans aucun doute la vitesse. Le jeu est devenu incroyablement rapide, non seulement en termes de patinage, mais aussi de prise de décision et de maniement du puck. Les joueurs d’aujourd’hui sont des athlètes complets : techniquement au plus haut niveau, tactiquement brillamment entraînés et physiquement parfaitement préparés — chacun d’une manière adaptée à sa physionomie.
Un exemple?
Des aspects tels que la nutrition, la régénération et l’analyse vidéo, qui n’en étaient encore qu’à leurs débuts, sont aujourd’hui des normes absolues. Cependant, je ne vois pas cette évolution avec mélancolie, mais avec une grande admiration. Le jeu est devenu plus athlétique et exigeant. Cependant, le cœur du hockey sur glace — la passion, l’esprit d’équipe et la volonté inconditionnelle de gagner — est resté le même. C’est une évolution fantastique qui rend notre sport encore plus attrayant pour les fans.
Après avoir porté pendant de longues années le maillot de Gottéron, vous avez choisi de poursuivre votre chemin dans l’administration du hockey. Comment s’est déroulée cette transition entre votre carrière de joueur et votre reconversion professionnelle ?
La période de transition de la glace dans la vie professionnelle après avoir terminé mes études à l’université de Fribourg s’est faite quasiment du jour au lendemain. Il m’a fallu un petit peu de temps d’adaptation, car en tant que joueur, vous vivez dans un monde très intense, caractérisé par l’adrénaline, la dynamique d’équipe et une concentration claire sur le prochain match. Si cela disparaît soudainement, il y a d’abord un vide. Cependant, il a toujours été clair pour moi que je voulais rester fidèle au hockey sur glace. Le sport m’a beaucoup donné et je voulais donner quelque chose en retour. Le changement de direction a été un grand changement. Il faut apprendre à penser stratégiquement, à gérer des budgets, à négocier avec un large éventail de parties prenantes et à développer une vision à long terme.Mon expérience en tant que joueur a été un atout inestimable. Je comprends les besoins des joueurs, la dynamique dans un vestiaire et les émotions qui composent ce sport. Cette crédibilité m’a aidé à construire des ponts. C’était un processus d’apprentissage qui nécessitait du dévouement et une volonté d’apprendre de nouvelles compétences, mais c’était une très bonne école pour continuer à vivre ma passion pour le hockey dans un nouveau rôle.
un defis de taille a choix multiple
Vous occupez aujourd’hui une fonction clé dans l’organisation du CM 2026 de l’IIHF, en tant que secrétaire général du comité. Concrètement, en quoi consiste votre rôle et quels sont les grands défis de ce projet ?
En tant que secrétaire général, je suis le responsable opérationnel du comité d’organisation. Vous pouvez définir mon rôle comme « le lien entre tous les domaines » : je coordonne tous les départements – de la logistique à la billetterie, en passant par le sport, le marketing, le bénévolat et la sécurité et l’infrastructure. Mon travail consiste à m’assurer que tous les rouages s’emboîtent parfaitement, que le budget est respecté et que nous atteignons nos objectifs à temps. Avec mes collaborateurs et collaboratrices, je suis également l’interlocuteur de nos partenaires les plus importants tels que l’IIHF, les sites de Zurich et de Fribourg, ainsi que des autorités et des sponsors.
Les défis sont multiples…
La Suisse est un pays de hockey sur glace avec des fans incroyablement passionnés. Les attentes pour des championnats du monde à domicile sont extrêmement élevées. Nous ne voulons pas seulement organiser un tournoi parfait, nous voulons créer un festival de hockey sur glace inoubliable pour tout le monde. Trois points sont primordiaux. Nous voulons organiser un championnat du monde de hockey sur glace qui soit durable à tous égards – écologiquement, socialement et économiquement. L’objectif est de créer une valeur ajoutée positive et durable pour le hockey sur glace suisse et la société. Ensuite, organiser un championnat du monde à deux endroits est un défi logistique. La coordination entre Zurich et Fribourg, l’hébergement et le transport de 16 équipes, des milliers de fans et des représentants des médias nécessitent une planification méticuleuse. Enfin, un événement de cette ampleur est également un grand défi financier. Nous devons utiliser les fonds de manière responsable et en même temps offrir une expérience de première classe.
Une fois le Championnat du monde terminé, une nouvelle page s’ouvrira. Quels seront, selon vous, vos prochains défis ou projets après 2026 ?
Pour l’instant, je me concentre entièrement sur le championnat du monde en 2026. Un tel projet nécessite un engagement à 100% de ma part et de celui de toute mon équipe. Nous avons encore un long chemin à parcourir et je veux mettre toute mon énergie pour faire de ce tournoi un énorme succès. Bien sûr, je pense de temps à autre à l’après championnat. L’organisation d’un championnat du monde de hockey sur glace est une expérience unique qui est incroyablement enrichissante et qui peut sans doute ouvrir de nombreuses portes.
Oui, c’est plutôt bien sur un CV…
Mon objectif sera toujours d’apporter mon expérience, ma passion et mon énergie pour contribuer au développement de mon sport que j’aime tant. Mais pour l’instant, je me consacre à fond à l’organisation du CM 2026 de l’IIHF à Zurich et Fribourg !
Ce rôle, central et exigeant, illustre la confiance que la fédération place en lui. De la glace aux bureaux, Christian Hofstetter reste un capitaine, orchestrant cette fois non plus des lignes de jeu, mais des équipes entières de collaborateurs au service d’un même rêve : faire du Mondial 2026 un événement marquant pour tout le pays. On comprend que chaque détail compte et que son engagement dépasse le simple cadre organisationnel. L’ancien capitaine de Gottéron poursuit, avec méthode et conviction, ce qu’il a toujours fait : faire grandir le hockey suisse avec passion et exigence.
Si le Mondial 2026 promet d’être un succès, c’est avant tout grâce au travail de l’ombre de femmes et d’hommes qui, comme lui, conjuguent passion et précision. Leur dévouement collectif prépare un événement qui fera vibrer tout un pays et rayonner le hockey suisse bien au-delà de ses frontières.
