COMMENTAIRE – Philippe Ducarroz
Patrick Fischer est depuis huit ans à la tête de l’équipe nationale suisse de hockey sur glace. Un sacré bail qu’on n’imaginait pas à sa nomination. Pour tout dire et sur la base des impressions laissées lorsqu’il était sur le banc du HC Lugano (il fut remplacé par Doug Shedden en octobre 2015), nous n’avions pas compris la décision de la fédération (il succède à Glen Hanlon le 3 décembre de la même année). Finalement, Fischer nous a bien rabattu le caquet en hissant l’équipe de Suisse une fois sur la 2e marche d’un championnat du monde et toujours qualifié la sélection en quarts de finale. Bref, pas moins bien que ses prédécesseurs.
Mais la qualification pour les quarts de finale – l’objectif avoué chaque année – est une chose, la réalité du terrain en est une autre. Et le quart de finale des derniers mondiaux de Riga doit être considéré comme un échec. Cuisant. Face à une Allemagne qui nous avait déjà fait le coup deux ans auparavant. Echec, parce que cette Suisse-là, même privée de Roman Josi, avait tout en mains pour gagner son premier titre planétaire.
Fischer et Lars Weibel, le chef des équipes nationales, se cachent derrière la sempiternelle excuse: la pression. Nous ne sommes pas d’accord. Les joueurs de Fischer sont des adultes qui connaissent et vivent – pour ceux de NHL entre autres – les contraintes liées à la performance. Nos professionnels du hockey sur glace ont du talent et ils le prouvent quasi-quotidiennement. La pression, ils connaissent, même (et surtout?) en National League. Par contre, nous décelons clairement un problème de mentalité: incapable de se sublimer sur commande, le Suisse reste moyen face à un adversaire plus concerné (historiquement la France, l’Allemagne, etc.). Ne nous parlez pas de problème psychologique, mais bien de suffisance coupable. Même mauvaise, l’équipe du Canada est un exemple à suivre: elle répond présent à chaque match décisif car elle est conditionnée pour le faire. Par son staff, du coach au chef matériel (qui est suisse, ceci dit en passant).
Problème de génération?
Un problème de génération peut-être, car la nouvelle vague, celle qui a fait ses gammes outre-Atlantique et qui va petit à petit remplacer les cadres actuels, possède désormais cette mentalité que les trentenaires d’aujourd’hui n’ont pas tous assimilée. Montrer ce qu’on est capable de faire, contre n’importe quelle équipe et en toute circonstance fait partie de leur ADN. Alors on revient sur le problème du sélectionneur, qui a admis lui-même qu’il n’était peut-être pas prêt lui-même avant d’affronter l’Allemagne. Une année de travail pour entendre ça! Trop compréhensif envers ses joueurs, il s’est aussi assuré de ne froisser personne et aucun d’entre eux n’a émis le désir d’un changement à la tête de l’équipe. Pardi.
À se demander si ce n’est pas le duo Fischer-Weibel qui souffre de pression, en priorité, les bloquant dans leurs capacités à transcender une sélection. Dans cette hypothèse, les propos des responsables à la fédération, à commencer par le nouveau président Stefan Schärer dans le Bieler Tagblatt du jour nous inquiètent un peu. En gros, si Fischer et ses hommes échouent en quart de finale – sauf contre une énorme équipe adverse – au prochain championnat du monde, le coach et Weibel pourront vider leur bureau. En gros, si la Suisse ne se qualifie pas pour les demi-finales, ce sera un échec. La menace est claire, elle est dirigée contre les techniciens. Pas sûr en tout ca que ça change l’approche des joueurs avant un match décisif.
